La radiothérapie stéréotaxique

La radiothérapie stéréotaxique

Traitement des lésions intra-crâniennes

En radiothérapie classique, le principe fondamental est de délivrer en plusieurs séances des doses de l’ordre de 40 à 70 grays selon un fractionnement et un étalement donné, en vue de réaliser une destruction sélective d’une lésion tumorale tout en limitant la dose dans les tissus sains avoisinants pour réduire le risque de la toxicité. Le but est de délivrer une dose homogène qui englobe la totalité de la masse tumorale. Lorsqu’une partie même infime des cellules de la lésion échappe à l’irradiation, la récidive est inévitable.

La technique d’irradiation en conditions stéréotaxiques a été initiée en France à l’hôpital Tenon en 1986. L’irradiation en condition stéréotaxiques est utilisée pour traiter de petites lésions crâniennes, comme les malformations arterio-veineuses (MAV), les métastases, les méningiomes,  les neurinomes de l’acoustique … avec des doses élevées en quelques séances.

La radiochirurgie, technique apparue dans les années 1950, délivre la dose prescrite en une séance au moyen de multiples portes d’entrée dans un petit volume grâce à une technique de définition spatiale très précise. Le repérage millimétrique des volumes cibles est réalisé dans un cadre invasif fixé sur la tête du patient. A la fois moyen de contention et de repérage, ce cadre permet alors de délivrer de forte dose en fraction unique tout en épargnant les tissus sains environnants.

Le déroulement d’une procédure d’irradiation stéréotaxique à l’hôpital Tenon comporte trois phases:

  • Le repérage de la lésion.  Il a lieu dans les services de neurochirurgie et de neuroradiologie de l’hôpital Sainte Anne pour les MAV traitées avec cadre.
  • La planification du traitement se fait dans l’unité de radiophysique du service de radiothérapie de l’hôpital Tenon.
  • L’irradiation se déroule aussi dans le service de radiothérapie de l’hôpital Tenon sur un accélérateur dédié, le Novalis.

1. Le repérage en conditions stéréotaxiques : Cadre -Angiographie – Scanner

Il s’agit d’une technique dont l’objectif est la détermination des coordonnées spatiales de la lésion par rapport à un référentiel identique, quel que soit l’acte effectué. Deux techniques sont aujourd’hui disponibles. Une technique de repérage par cadre issue de la neurochirurgie et une technique plus récente par masque associant l’imagerie scanner et IRM ainsi que l’imagerie de positionnement associée à l’accélérateur..

a) Cadre -Angiographie – Scanner

Le système de référence pour le repérage utilisé est un cadre métallique dit de Leksell dont les montants et les vis de fixations ont été adaptés dans le service de neurochirurgie de l’hôpital Sainte Anne. La fixation de ce cadre stéréotaxique sur la voûte crânienne du patient nécessite une intervention chirurgicale à l’hôpital Sainte Anne au cours de laquelle quatre vis trans-osseuses à tête creuse sont implantées pour la durée de la procédure stéréotaxique. Cet artifice permet de repositionner le cadre dans les mêmes conditions pendant l’étape d’imagerie et ultérieurement au cours de la séance d’irradiation.

Le repérage de la lésion et des structures intracrâniennes en conditions stéréotaxiques, est réalisé par l’équipe des neurochirurgiens et des neuroradiologues de l’hôpital (Sainte Anne Paris), les moyens utilisés pour la localisation des lésions sont :

  • L’angiographie en conditions stéréotaxiques pour le vasculaire.
  • Le scanner et l’IRM en conditions stéréotaxiques pour les lésions solides.

L’exploration angiographique stéréotaxique repose sur deux séries de clichés à longue distance (clichés pris à 5 mètres), une première série orthogonale (clichés de face et de profil) alors que la seconde décalée de 6 degrés va servir pour la vision stéréoscopique. Ces séries de clichés permettent au neurochirurgien de définir les contours de la malformation vasculaire et de déterminer ses coordonnées par rapport au cadre stéréotaxique dont les repères sont visibles. Les coupes scanners permettent la reconstruction du contour crânien et de retrouver les profondeurs de la malformation.

b) Masque – Scanner – IRM

Le système de référence pour le repérage est celui proposé par la société Brainlab. Il est composé d’un ensemble d’éléments, associant principalement un support de masque, un masque bi-valve (comportant deux parties, antérieure et postérieure) et une antenne qui va assurer le repositionnement du système durant le traitement. Pendant la phase de préparation, les deux parties du masque rigide sont ajustées au plus près du crane du patient, puis une acquisition scanner (sans injection de produit de contraste) imageant l’encéphale et le dispositif de repérage est réalisée en coupes millimétriques.

Quelques jours avant la phase de préparation, un examen IRM est réalisé selon une séquence T1 gadolinium, pour acquérir les images des tissus mous. Le scanner de préparation est réalisé dans un temps très court après l’examen IRM pour éviter des différences de milieu trop importante selon l’évolution de la maladie.

L’examen IRM est recalé dans le repère de l’examen scanner car la qualité des images IRM, permet au médecin radiothérapeute de dessiner précisément les contours de la lésion et des organes à risques voisins. L’isocentre de traitement est automatiquement calculé au barycentre de la lésion et est référencé par rapport au support de masque et à l’antenne. Avant le traitement, dans le système d’imagerie de positionnement Exactrac (Brainlab) un second recalage est réalisé entre un « support de masque modélisé » et le support de masque du patient. Cette fusion permet de placer le barycentre de la lésion à l’isocentre de traitement dans le repère 3D du système d’imagerie Exactrac.

L’utilisation du masque thermoformé assure une bonne rigidité dans le positionnement de l’encéphale, et  évite au patient la pose d’un cadre stéréotaxique au bloc opératoire. Cette approche est fiable grâce à la qualité et la précision de repositionnement des systèmes informatiques et d’imagerie « Exactrac ». Ce système d’imagerie associé à la table robotisée 6D (3 translations et 3 rotations) de l’accélérateur et au système de contention par masque permet de replacer la lésion avec une précision submillimétrique. Cette prise en charge dite « frameless » (sans cadre) est maintenant recommandée notamment quand les traitements comportent plusieurs séances.

2. Planification dosimétrique

Ces traitements de haute précision sont réalisés par un ensemble de mini faisceaux de photons (6 MV) convergent sur le volume cible. La collimation du faisceau d’irradiation délivré par l’accélérateur est possible soit par l’addition d’un micro collimateur multilames (société BrainLab) composé de lames en tungstène de 3 mm soit directement par le collimateur haute définition de notre accélérateur dédié Novalis Truebeam  (lames d’épaisseur de 2,5 mm).

 

 

Dosimétrie d'une MAV

Dosimétrie d’une Malformation Artério-Veineuse (MAV)

 

En radiochirurgie, contrairement à la radiothérapie conventionnelle, des doses élevées (20 à 30 Grays) sont délivrées le plus souvent en une séance unique; cette contrainte requiert une très grande précision dans le repérage du volume cible à irradier. La planification d’un traitement est réalisée sur des coupes scanner et IRM recalées et a pour but d’envelopper toute la lésion sur une isodose d’enveloppe dite de référence (80 +/- 10 % pour l’équipe de l’hôpital Tenon ). Plusieurs techniques sont mises en œuvre pour traiter les lésions :

  • L’arc conformationnel : le bras de l’accélérateur délivre des faisceaux conformationnels dont la collimation est statique. Cette technique est utilisée pour des lésions de formes simples notamment sphériques.
  • L’arc dynamique : le bras de l’accélérateur délivre des faisceaux dont la collimation est modifiée en fonction de l’angle du bras. Cette technique est utilisée pour des cibles de forme complexes.
  • L’arc dynamique modulé ou VMAT : le bras de l’accélérateur délivre des faisceaux en arc dont la collimation et le débit de dose sont modifiés en fonction des objectifs dosimétriques fixés sur la lésion et sur les organes à risques. Cette technique est utilisée pour des cibles de forme complexes proches d’organes à risques.

L’évaluation de la qualité de cette balistique est basée sur l’étude d’histogrammes dose/volume qui indiquent l’importance de la couverture dosimétrique de la lésion et le niveau de protection des organes à risques. Compte-tenu des niveaux de dose élevés, nous surveillons plus particulièrement le sur-dosage des tissus sains et le sous-dosage de la lésion. Dans le cas des cibles complexes par leurs formes, ou par leurs sites, (zones critiques: centre du langage, nerf optique. ..etc. ) le volume englobé par l’isodose de référence peut être diminué.

3. Le traitement des malades

La technique adoptée est l’irradiation en position couchée associant un accélérateur linéaire le Novalis Truebeam STX (Varian), un micro-collimateur multilames dont les lames les plus fines font 2,5 mm à l’isocentre, une table robotisée à 6 degrés de liberté, un système d’imagerie Exactrac (Brainlab).

Si le patient est traité avec cadre, sa tête est fixée dans un cadre stéréotaxique de Leksell modifié dans les mêmes conditions que lors du repérage. Le cadre est placé en bout de table et grâce à ses degrés de liberté et une boite de localisation, le centre de la lésion est positionné à l’aide de lasers externes de telle manière qu’il coïncide avec l’isocentre de l’accélérateur.

Si le patient est traité avec masque, une caméra infra-rouge pilote la table de traitement de manière à amener la tête à la position de l’isocentre grâce à l’antenne fixée au porte masque. Le système d’imagerie Exactrac composé de 2 tubes et détecteurs inclinés à 45° de part et d’autre du patient prend ensuite 2 clichés orthogonaux. Ces images sont recalées par rapport aux images radiologiques reconstruites dans les mêmes plans lors de la préparation. A l’issu du recalage, le logiciel du système Exactrac transmet à l’accélérateur les corrections en translation et rotation qu’il faut appliquer à la table pour que l’isocentre de la lésion corresponde parfaitement à l’isocentre de traitement.

Recalage de la positionde la tête à l'aide du système Exactrac de Brainlab.

Recalage de la position de la tête à partir de 2 images orthogonales planes superposées aux images de préparation reconstruites à partir des image scanner.

 

Micro collimateur m3

Exemple de Micro collimateur mutilâmes M3 (Brainlab)

Durant la séance d’irradiation, le mouvement pendulaire du bras de l’accélérateur associé au mouvement circulaire de la table produit des arcthérapies successives statiques, dynamiques, modulées permettant de délivrer des doses élevées sur les lésions. La durée d’une séance d’irradiation d’un patient est d’environ 20 à 30 min pour une lésion traitée généralement par 4 à 6 arcs à une dose allant de 22 à 33 Gy à l’isocentre en une ou plusieurs fractions. Ce traitement est bien supporté par les patients.

De l’intracrânien vers l’extra-crânien

La transposition de cette technique d’irradiation aux volumes extra-crâniens comme les tumeurs pulmonaires inopérables, les métastases hépatiques, ganglionnaires, lombo-aortiques, impose un système limitant les mouvements externes et internes dus à la respiration.  Dès 2008, le service a mis en œuvre  le « Stereotactic Body Frame (SBF) »  puis, aujourd’hui, le système avec matelas BodyFix , deux systèmes de contention distribués par la société ELEKTA

Le système se compose de plusieurs éléments. Le premier est une plateau rigide qui est fixé à la table de traitement. Un matelas est ensuite fixé sur le plateau. Le patient est allongé sur le matelas puis ce dernier est mis sous vide. En se vidant de l’air, le matelas va se conformer à l’anatomie du patient . Il assure ainsi un confort relatif pour le patient et une bonne reproductibilité de son positionnement.  Au moment de la préparation sur le scanner, le volume du patient est acquis avec un cadre de repérage amovible. C’est dans ce référentiel externe non invasif que le volume cible (la lésion) est repéré. Lors de chaque séance de traitement, un cadre de localisation est placé pour repositionner précisément la lésion.

Systèmes de contention et de localisation necessaire pour le traitement des lésions extra-crâniennes.

Systèmes de contention et de localisation utilisé pour le traitement des lésions extra-crâniennes.

Traitement stéréotaxique d'une lésion pulmonaire.

Traitement stéréotaxique d’une lésion pulmonaire sur l’accélérateur Novalis.

D’autres éléments, comme un dispositif de compression de l’abdomen ou un film plastique sous vide complètent l’ensemble du dispositif. L’objectif est de limiter l’amplitude respiratoire qui affecte les mouvements de la lésion.

L’ensemble de ces systèmes permet de réduire les marges internes autour du volume cible. Le radiothérapeute peut délivrer de fortes doses en quelques fractions (4 à 6 séances de 8 à 15 Gy).

Traitement d'une lésion pulmonaire à l'aide de 5 faisceaux coplanaires

Traitement d’une lésion du lobe pulmonaire droit par 5 faisceaux coplanaires.

Dosimétrie d'une lésion du lobe pulmonaire droit.

Dosimétrie sur un plan axial d’une lésion du lobe pulmonaire droit.

L’acquisition de ces systèmes rend possible l’application des techniques de radiochirurgie à des volumes extra-crâniens, tels que les petites lésions pulmonaires.